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Synthèse sur les dispositifs de justice résolutive de problèmes en France

04.12.2023

En France, les professionnel·le·s des addictions se penchent depuis plusieurs années sur la « justice résolutive de problèmes », en collaboration avec le secteur de la justice. L’objectif est d’expérimenter la manière dont une décision de justice peut engager des personnes multirécidivistes dans un parcours de soins. La Fédération Addiction publie une synthèse à ce sujet.

L’origine de la « justice résolutive de problèmes » (JRP) remonte aux années 1980 aux États-Unis où l’on constate que la récidive est importante chez les personnes qui cumulent des problématiques sanitaires et sociales, en particulier les usager·e·s de crack dans les quartiers défavorisés.

C’est ainsi que des juridictions spécialisées - les drug courts - voient le jour. Elles font écho aux tribunaux de santé mentale, tels qu’ils existent notamment au Canada, qui visent à déjudiciariser totalement ou en partie les personnes concernées ayant commis des délits en lien avec diverses problématiques (troubles psychiques, addictions, etc.).

La Fédération Addiction signale que le concept de JRP s’exporte en Europe à partir des années 2000 et fait son apparition en France en 2015. Il s’affine aussi progressivement au fil des expériences faites en France, au cours desquelles sont ressortis un certain nombre de principes:

  • Le principal objectif de la JRP est d’engager la personne concernée dans un parcours de désistance (ou sortie de la délinquance) sans stigmatiser les consommations, c’est-à-dire en dissociant consommation et récidive.

  • La JRP s’adresse à un public multirécidiviste qui cumule des vulnérabilités (addictions, précarité, troubles psychiques), et pour qui un soin classique (obligation de soins, injonction thérapeutique) ne serait pas concluant.

  • La JRP implique un changement de posture de la magistrature: les professionnel·le·s assurent un suivi non plus ponctuel, mais à intervalles réguliers, afin de faire des bilans.

  • L’approche motivationnelle et la participation de la personne sont des éléments clés. En effet la participation de la personne à la JRP doit être un choix et non une contrainte.

  • L’accent est mis sur le rétablissement, ainsi que sur la réduction des risques et des dommages; dans cette optique, les magistrat·e·s prennent en compte les parcours et les accompagnements addictologiques parfois complexes où la re-consommation ne doit pas équivaloir systématiquement à une requalitifcation pénale.

  • D’un point de vue organisationnel, la JRP se caractérise par une coordination entre les professionnel·le·s de la justice et des addictions avec la création d’un dispositif intégré par des spécialistes des deux champs qui définissent ensemble les conditions du suivi.

Les expériences faites en la matière dans les pays voisins, dont la France, montrent que la collaboration entre le domaine de la justice et celui des addictions est possible, et peut même être innovante, comme l'illustrent également les articles de la revue "Addiction(s): recherches et pratiques" consacrés à ce sujet en 2020. Ces perspectives laissent entrevoir des pistes de réflexion pour le contexte hélvétique, traditionnellement plus axé sur la justice rétributive et sur la punition de l'acte illégal que sur la résolution de conflit.