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Quand le jeu vidéo est aussi le remède au problème

24.04.2023

Dans les addictions, les substances ou comportements peuvent tenir le rôle de "pharmakon", le concept phare du philosophe français Jacques Derrida en 1968. Dans l'article de Niels Weber et Philip Nielsen, le concept s'illustre dans la pratique : le jeu vidéo est utilisé pour accompagner des jeunes en situation de consommation problématique de ces mêmes jeux, dans le cadre d'une thérapie familiale multidimensionnelle. Une vignette clinique est présentée.

Le "pharmakon", le concept phare repris par Stiegler, Couteron et bien d'autres, décrit la relation paradoxale qu'entretient l'humain avec la substance ou le comportement, tantôt bienfaisante tantôt le contraire. Dans l'article "In-session gaming as a tool in treating adolescent problematic gaming", traduit librement dans le résumé ci-dessous, elle trouve une application pratique.

Les auteurs* écrivent que l'accompagnement et le traitement pour le jeu problématique chez les adolescents ne devrait pas seulement s'attaquer aux comportements de jeu et aux caractéristiques personnelles du jeune, mais aussi aux domaines parentaux et familiaux. La thérapie familiale multidimensionnelle (MDFT) répond à ces exigences. L'article présente ainsi la façon dont cette méthode a été adaptée à l'application du jeu. D'abord, le jeu - jeu en séance faut-il préciser - est utilisé pour établir une alliance entre le thérapeute et le jeune. En l'invitant à jouer, le thérapeute montre qu'il est pris au sérieux, ce qui renforce la motivation pour le traitement.

Plus tard dans le processus, le jeu est introduit dans les séances familiales, offrant des occasions utiles d'intervenir sur les perspectives des membres de la famille et les modèles d'interaction révélés in vivo lorsque le jeune joue au jeu. Ces séances peuvent déclencher des émotions et des réactions fortes de la part des parents et du jeune et donner lieu, sous la houlette du thérapeute, à des adaptations de transactions entre eux. L'expérience permet de vivre de façon encadrée de nouvelles discussions et de nouveaux paramètrages dans la relation.

Facteurs de risque

On sait que les facteurs parentaux et familiaux influencent les chances que les adolescents développent des problèmes de jeu, parallèlement à leur situation intrinsèque. Par exemple, les facteurs de risque peuvent être : anxiété ou dépression chez un parent, situation d'abus physiques ou psychiques, relation intraparentale conflictuelle, insécurité de la relation parent-enfant, déni des émotions, absences de règles, entre autres. C'est sur ces facteurs que l'accompagnement pourra se concentrer.

Trois étapes

La première comprend le renforcement de la motivation au traitement de l'adolescent et des parents. La deuxième étape se concentre sur les interventions thérapeutiques ciblant l'adolescent, les parents, la famille et les autres membres de la famille. Objectif : arriver à une meilleure maîtrise de soi (adolescent) et une amélioration de la situation des parents et de la famille, y compris une amélioration de la communication et des relations familiales et une plus grande compétence des parents et de la famille. Au cours de la la troisième étape, des stratégies visant à maintenir les acquis du traitement sont mises en œuvre et la thérapie prend fin.

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Résultats

Les auteurs constatent que le jeu en séance est plus puissant (effet d'immédiateté) qu'une simple discussion (par exemple, parler des problèmes de la famille). La méthode de démonstration par le jeu donne un caractère immédiat aux questions de contenu pertinentes. Cette focalisation sur l'instant présent, comparée à la narration des conflits passés, fait apparaître des hypothèses ainsi que les interactions familiales qui sont susceptibles d'être examinées et modifiées directement.

Il est surprenant de constater aussi que le jeune, à la fin des séances, ne réduit pas ses séances de jeu. L'évolution positive de la communication et des communication et des relations familiales a probablement conduit à une réduction des épisodes de querelles familiale, tout en permettant au jeune de continuer à jouer à des jeux non problématiques. Dans cet essai des auteurs, les adolescents et leurs parents ont estimé que le traitement était utile pour diminuer les problèmes de jeu et améliorer la qualité de vie et le bien-être mental.

Les auteurs

*Philip Nielsen et Nicolas Favez : Unité de psychologie clinique des relations interpersonnelles, FPSE, Université de Genève, Genève, Suisse

Niels Weber : Cabinet privé, Lausanne, Suisse

Henk Rigter: Department of Child and Adolescent Psychiatry, Leiden University Medical Centre (LUMC), Leiden, the Netherlands

Howard A. Liddle : Departments of Public Health Sciences and Psychology, University of Miami Miller School of Medicine, Miami, Florida, USA