News

Marché noir du cannabis en Suisse: consommation et chiffre d’affaires estimés

29 Mars 2011  
29.03.2011

Selon les estimations de la Police judicaire fédérale entre 73'000 et 168'000 personnes consomment occasionnellement des produits à base de cannabis en Suisse. Le chiffre d’affaires potentiel s'élève à 245 à 418 millions de francs suisses sur le marché noir.

Les marchés de la drogue se caractérisent par leur absence de transparence, par l’importante fluctuation des prix ainsi que de la qualité des marchandises et, en raison du caractère répréhensible du commerce et de la consommation, par le manque de coopération des acteurs sur le plan des renseignements fournis. D’où l’impossibilité de fournir des chiffres exacts. En février 2011, la PJF a mené une enquete sur la consommation annuelle et le chiffre d’affaires réalisé sur le marché noir du cannabis en Suisse. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur les données des autorités de santé (questionnaires médicaux, indications du Centre européende surveillance des drogues, etc.) ainsi que sur des rapports de police, des statistiques de saisie, des renseignements des services sociaux ainsi que des publications scientifiques. Quant à la méthodologie utilisée pour l’évaluation du marché, elle suit les modèles scientifiques courants.

Selon les estimations de la PJF, entre 72'710 et 168'448 personnes consomment occasionnellement (au maximum une fois par mois) des produits à base de cannabis en Suisse, alors qu’entre 100'340 et 235'624 le font régulièrement (plus d’une fois par mois). La quantité totale consommée chaque année se situe ainsi entre 22 et 37 tonnes, la plus grande part étant représentée par la marijuana et le haschich atteignant à peine 10 %. L’huile de cannabis reste, elle, un produit de niche insignifiant. Le chiffre d’affaires potentiel réalisé sur le marché noir se situe dans un ordre de grandeur allant de 245 à 418 millions de francs suisses. Dans la rue, où les prix sont nettement plus élevés, les trafiquants peuvent réaliser un chiffre d’affaires deux fois plus élevé. Il est important de signaler toutefois que de nombreux consommateurs produisent eux-memes du cannabis ou en recoivent gratuitement de connaissances qui en cultivent. Sur le marché noir, ces quantités consommées obtenues par auto-approvisionnement n’engendrenten réalité aucun chiffre d’affaires. Le résultat des ventes obtenu par les acteurs criminels dans le commerce de cannabis doit donc être considéré comme plus faible que le chiffre d’affaires pouvant potentiellement être réalisé sur le marché du cannabis.

Le commerce de rue ne constitue pas un canal de vente important, puisque la plupart des consommateurs se procurent du cannabis à travers des contacts privés ou dans des lieux de vente situés en dehors de l’espace public (appartements, magasins de vente camouflés), où les prix sont moins élevés. Les prix varient de plus considérablement selon le lieu et la disponibilité. Globalement, les prix des produits à base de cannabis ont augmenté au cours de ces dernières années.

APPRÉCIATION

En 2010, les produits à base de cannabis ont été à l’origine de 64 % des dénonciations pour consommation de stupéfiants et de 37 % des dénonciations pour trafic. Le cannabis constitue très nettement le stupéfiant illégal le plus fréquemment consommé en Suisse.

La production de marijuana à l’intérieur du pays reste le principal pilier pour l’approvisionnement du marché suisse de cannabis. Outre l’auto-approvisionnement des consommateurs, la culture professionnelle par des groupements criminels joue un rôle important. La culture s’effectue surtout dans des immeubles, à l’abri des regards et sous lumière artificielle (culture indoor). Les installations sont camouflées, automatisées et aménagées de manière très professionnelle. Les investissements initiaux nécessaires sont élevés. Les acteurs principaux dans le domaine de la culture sont des ressortissants suisses ainsi que des personnes domiciliées dans notre pays, de même que des personnes issues des Balkans. Depuis 2000, plusieurs actes de violence ont été commis en lien avec la production de chanvre et ses canaux de vente. D’une manière générale, les services de police ont constaté au cours des dernières années que le degré d’organisation avait augmenté et qu’une importante énergie criminelle caractérisait cet univers.

Selon les organisations internationales, la culture professionnelle de cannabis a augmenté dans la plupart des Etats européens, notamment en Albanie et dans d’autres Etats balkaniques. Dans ces pays, le trafic se fait via les mêmes canaux que ceux par lesquels transite l’héroine depuis plusieurs décennies. Le haschisch arrive en Suisse essentiellement depuis le Maroc, mais aussi depuis l’Asie du Sud et l’Afghanistan.

Le commerce de cannabis est essentiellement le fait de ressortissants suisses et de personnes domiciliées dans notre pays. Les contacts téléphoniques, les systèmes de courrier et les nouvelles technologies de la communication jouent un rôle important à cet égard. Localement, le commerce de rue est dominé par des Africains du Nord et de l’Ouest ainsi que par des personnes des Caraibes. La production et le commerce de cannabis sont une affaire lucrative avec un risque de poursuites pénales comparativement peu élevé. La police signale régulièrement des cas où les trafiquants de cannabis proposent aussi d’autres stupéfiants. Des cas d’échange de cocaine contre de la marijuana ont également été signalés. Ponctuellement, le trafic de cannabis se mélange au commerce d’autres stupéfiants. Ce phénomène n’est toutefois pas nouveau.

Source: Fedpol, roger.flury@fedpol.admin.ch