Dépendances

N° 30 Regards croisés sur l'aide contrainte

Edito par Corine Kibora 

La privation de liberté, de manière générale, met en lumière le poids respectif accordé par une société à la liberté individuelle d'une part et la sécurité collective d'autre part. Elle éclaire les pratiques considérées comme menaçantes pour l'individu et pour l'ordre public. La dépendance en fait partie puisqu'elle apparaît à diverses reprises dans notre droit: privation de liberté à des fins d'assistance dans le code civil, loi sur la circulation routière, priva-tion de liberté dans le code pénal, etc.

Comment s'articule dès lors cette approche découlant d'une norme à respecter au nom de la sécurité publique et du devoir d'assistance, avec la conception de la dépendance comme une maladie complexe qui requiert une approche multidimensionnelle centrée sur la personne? La tension existe d'entrée de jeu et ne peut être résolue: elle est à l'image de l'ambivalence des personnes dépendantes, prises au piège de produits, demandant de l'aide tout en la refusant, souvent par peur de perdre le précaire équilibre atteint avec les substances. Pour en débattre, nous avons donné la parole à des professionnels d'horizons différents, du domaine médical, social, et juridique afin d'avoir une pluralité d'angles de vue sur cette thématique extrêmement délicate.

Ainsi, le processus de privation de liberté à des fins d'assistance tel qu'il est décrit dans ce numéro illustre le malaise ressenti par les travailleurs sociaux, qui basent leur action sur la libre adhésion de la personne: à quel moment l'accompagnement bascule-t-il dans le devoir d'assistance? Et quelle est l'intersection possible entre l'assistance et les soins? La loi prévoit des «établissements appropriés», qui dans la pratiques ont par défaut les hôpitaux psychiatriques, sommés de garder ces personnes, tout en ne pouvant les soigner sans leur consentement. Position difficile, mais le projet de révision en cours, qui prévoit des traitements imposés pour les personnes incapables de discernement, ne soulève pas moins de problèmes éthiques à l'égard du droit du patient, et pose la ques-tion de la balance entre pouvoir judiciaire et pouvoir médical. La nouvelle mouture du code pénal impose par exemple des expertises psychiatriques, qui ne sont pas forcément bien perçues de la part de la justice. Par ailleurs, la contrainte peut aussi jouer comme levier dans la perspective d'un processus de changement, et faire partie d'un projet thérapeutique. Les réponses à toutes ces questions passent sans doute par une collaboration étroite entre pouvoir judiciaire et pouvoir médico-social, à condition de ne pas faire l'impasse sur le but visé: l'autonomie de l'individu, acteur de sa vie.

 

1. Traitement sous contrainte ou sans contrainte?

Olivier Guillod, Professeur de droit civil et de droit de la santé, Directeur de l'Institut de droit de la santé, Université de Neuchâtel

01.12.2006

2. Itinéraire d'une mesure de privation de liberté à des fins d'assistance

Cédric Fazan, Directeur d'Action Communautaire et Toxicomanie, Vevey

01.12.2006

3. Des bénéfices de la contrainte pour le rétablissement

Philippe Jaquet, directeur-adjoint pédagogique, Fondation Les Oliviers, Le Mont-sur-Lausanne

01.12.2006

4. Conduite automobile sous influence de l'alcool: entre répression et éducation

Pascal Gache, Unité d'Alcoologie, Département de Médecine Communautaire HUG, Genève

01.12.2006

5. Entretien autour de la liberté et de la révision du code pénal

Interview de Pierre Aubert, président du Tribunal du district de Neuchâtel

Réalisé par Corine Kibora

01.12.2006

6. Police - travail social - migration - toxico-dépendances: de l'huile dans les rouages

Aline Keller, collaboratrice scientifique à Infodrog (Centrale nationale de coordination des addictions)

01.12.2006