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Jeux d’argent en ligne : une problématique en développement et des passerelles de plus en plus marquées avec les jeux vidéo 

27.05.2020

Une étude réalisée par le GREA et Addiction Suisse révèle des enjeux majeurs sur la possible évolution du jeu d’argent en ligne et attire l’attention quant aux dangers associés à une intégration de plus en plus marquée des jeux vidéo dans les jeux d’argent et des jeux d’argent dans les jeux vidéo. Au regard des risques de manipulation relevés par l’étude, la FRC et les professionnels des addictions alarment les consommateurs et enjoignent les autorités à s’intéresser de plus près aux mécanismes de monétisation des jeux vidéo, tout comme à l’utilisation des données comportementales par l’industrie des jeux d’argent.

Communiqué de presse conjoint du Groupement Romand d’Études des Addictions (GREA), d’Addiction Suisse (AS) de la Fédération Romande des Consommateurs (FRC) et de la Société Suisse de Médecine de l’Addiction (SSAM)

Lausanne / Genève, le 27 mai 2020

Contexte de l’étude
Dans la perspective de mesurer l’impact de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les jeux d’argent (LJAr) – qui autorise depuis 2019 les casinos suisses à proposer leurs jeux sur Internet – le Programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu (PILDJ) a mandaté le GREA et Addiction Suisse pour effectuer un état des lieux avant et après cette libéralisation. Le rapport intitulé « Jeux d’argent sur internet en Suisse : Un regard quantitatif, qualitatif et prospectif sur les jeux d’argent en ligne et leur convergence avec les jeux vidéo » fournit une première photographie de la pratique des jeux d’argent en ligne avant 2019. Un second volet devrait suivre courant 2022.

Les principaux résultats
L’analyse quantitative de l’étude, mené par Addiction Suisse avant l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les jeux d’argent (LJAr), suggère qu’avant 2019 et l’ouverture de l’offre légale de jeux de casino en ligne, les joueurs en ligne étaient en très grande majorité des joueurs de jeux de loterie, de tirage, de grattage et/ou de paris sportifs. Le poker et les autres formes de jeux de casinos étaient en effet moins prisés par les participants à l’étude. Aussi, l’analyse des plateformes en ligne utilisées par les joueurs a montré des différences nettes quant au choix de l’offre : les jeux de loterie et ceux de tirage ou de grattage étant pratiqués majoritairement sur les plateformes nationales, alors que l’offre étrangère était souvent privilégiée pour les paris sportifs. Au total, près d’un joueur sur dix ayant pratiqué des jeux de hasard et d’argent en ligne rapportait des problèmes en lien à ce type de jeu. Ces joueurs étaient en outre à l’origine d’une partie importante des revenus tirés du jeu d’argent en ligne.
Des entretiens approfondis conduits par le GREA auprès d’un nombre restreint d’amateurs de jeux d’argent en ligne et/ou de jeux vidéo (volet qualitatif) ont mis en évidence le fait qu’indépendamment du type de jeux pratiqué, la majorité des répondants disaient s’imposer des limites sur les montants engagés, leur fréquence de jeu voire le type de jeu auquel ils étaient prêts à jouer. La mise en œuvre de ces tactiques d’autocontrôle laisse penser que le jeu en ligne est considéré par les personnes interviewées comme une activité à risques qui vaut la peine d’être vécue, mais d’une manière encadrée. Pour elles, le jeu n’est donc ni un loisir anodin (un bien de consommation qui pourrait être consommé sans modération), ni une activité si addictogène qu’il faudrait s’en écarter coûte que coûte. 
Finalement, la partie prospective de l’étude suggère quant à elle que des passerelles de plus en plus marquées entre jeux d’argent et jeux vidéo se construisent en empruntant à l’autre des techniques de monétisation permettant de cibler une nouvelle clientèle, plus jeune et susceptible de développer une addiction. 

La réaction des professionnels des addictions et de la FRC
Tandis que les jeux d’argent jouent sur la confusion, des jeux vidéo « gratuits » utilisent des techniques de manipulation pour pousser les joueurs à dépenser de grosses sommes d’argent (payer pour passer des niveaux, obtenir de nouveaux costumes, avancer dans le jeu, etc.). Les données des joueurs sont également analysées pour exploiter leurs faiblesses : en sachant avec précision quand une personne joue, de quelle manière, à quoi elle réagit comme stimuli, tout en croisant ces données avec d’autres provenant d’applications utilisées tous les jours, cela permet de savoir ce qu’il faut lui proposer pour la pousser à dépenser davantage.
Pour Jean-Félix Savary, Secrétaire général du GREA, « le cadre légal adopté il y a à peine deux ans semble déjà partiellement dépassé vu cette fusion inquiétante entre le gaming et le gambling ». Et selon Sophie Michaud Gigon, Secrétaire générale de la FRC, « les conclusions de cette étude mettent en lumière les risques de manipulation en raison de l’utilisation de données personnelles à l’insu des consommateurs ».  

Les recommandations du rapport
Face à cette situation, le rapport recommande plusieurs actions de sensibilisation. Il conseille notamment d’intégrer dans le plan romand d’études des connaissances vulgarisées sur les dangers de ces microtransactions de manière à sensibiliser les enfants et les adolescents à cette problématique.

Contact
Jean-Félix Savary, secrétaire général GREA, 079 345 73 19
Sophie Michaud Gigon, Secrétaire générale FRC, 021 331 00 90
Hervé Kuendig, Responsable du secteur recherche Addiction Suisse, 021 321 29 48
Olivier Simon, SSAM, responsable du centre du jeu excessif, 079 556 52 97