Dépendances

N° 53 Le cannabis aujourd'hui

Le cannabis pourrait s’apprêter à emprunter le périlleux chemin qui sépare les drogues illégales des drogues légales. Prohiber une substance, c’est s’interdire d’agir par la voie règlementaire sur le marché. Seule l’action à la marge est possible, notamment en matière de réduction des risques, de prévention et de traitement. Le chemin inverse, par contre, soit réglementer une substance interdite, représente un défi bien plus important. Cela ouvre des possibilités d’action bien plus vastes sur l’ensemble de la chaîne, de la production jusqu’à la consommation. Cependant, « plus de possibilités d’actions », c’est aussi « plus de responsabilités ». En effet, la légalisation exige des réponses à des problématiques complexes : restrictions d’accès, limites d’âge, prix, composition des produits, contrôle, fiscalité, etc. Où est la limite ? Comment réduire les risques ? De quels risques parlons-nous ? Autant de sujets à controverse sur lesquels le champ politique devra trancher.
Il serait irresponsable d’avancer dans ces débats sans une analyse attentive et minutieuse des multiples questions posées. En effet, le cannabis n’est pas un produit comme un autre. Sa consommation peut s’associer à des risques non négligeables. Les observations s’accumulent sur la dépendance, tout comme sur les interactions avec certaines maladies psychiques, voire avec des difficultés sociales. Les aspects plus bénéfiques, comme les usages médicaux ou récréatifs, doivent eux aussi trouver leur place dans un paysage contrôlé et encadré. Si, à l’image des autres substances, la corrélation simple entre usage et problèmes n’est jamais directe, ces questions doivent faire l’objet d’une responsabilité collective particulière.
C’est ce débat que la revue dépendances vient nourrir dans ce nouveau numéro. Loin des positions dogmatiques, elle livre ici des expériences pratiques, des informations actuelles sur le produit, tout en éclairant le débat politique. Le chemin est encore long et dix numéros spéciaux ne suffiraient pas à épuiser le travail que nous avons devant nous.
A nous tous donc d’y contribuer, pour traverser ensemble ce difficile passage à la réglementation et avancer vers des politiques drogues plus efficientes et plus humaines.