Dépendances

N° 28 Les jeux vidéo, un phénomène qui nous interroge

Edito par Jean-Félix Savary

Aujourd’hui, encore plus qu’hier, le jeu vidéo nous interroge. Pratique en augmentation rapide, il ne touche plus seulement quelques jeunes adolescents adeptes du monde numérique. Son public s’élargit à toutes les couches de la population, notamment les femmes et les jeunes adultes. Au niveau mondial, le marché du jeu vidéo est estimé à plus de 40 milliards de francs et sa croissance annuelle se situe autour de 10%. Faut-il s’inquiéter d’une telle évolution? On pourrait le croire au vu de certaines informations relayées dans les médias. Ainsi, la "KoreaAgency for Digital Opportunityand Promotion" comptabilisait 2243 cas d'addiction aux jeux en ligne en 2003. En 2004, ce chiffre quadruplait pour passer à 8978 joueurs. Lors d’une enquête sur le jeu EverQuest, 12 000 joueurs affirmaient que leur vie réelle n’était qu’un moyen d'entretenir leur vie virtuelle. Les faits divers les plus sordides (joueurs qui ont succombé d'épuisement; mort d'un nourrisson laissé seul par ses parents incapables de quitter leur partie) viennent alimenter une conception diabolisée des jeux vidéo.

Comme tout phénomène nouveau, le jeu vidéo cristallise les fantasmes et les peurs. Rappelons-nous des discours sur la télévision, autrefois affublée de tous les maux. Les catastrophes annoncées sont-elles aurendez-vous? Toute approche qui fait d’une pratique particulière (ou d’un produit) l’unique responsable d’un comportement problématique doit être questionnée. Le rôle des parents et de la société, tout comme les ressources propres que possède chaque individu encadrent l’univers des jeux vidéo, comme toute autre pratique sociale. Le présent numéro de dépendances s’attache à mieux comprendre ce phénomène, en s’interrogeant sur la pertinence du concept d’addiction. Nous présentons ici une vision nuancée qui soulève des questions auxquelles la recherche, encore au stade embryonnaire, devra répondre. On comprend néanmoins que des dangers existent. La faible dimension de la population touchée ne constitue pas une raison pour ne rien faire. À ce jour cependant, on doit bien constater un vide législatif et l’absence de réaction du monde politique sur ce thème. Cette situation laisse le champ libre à l’industrie. Devant un marché en augmentation rapide, la logique commerciale l’emporte et pousse les développeurs à maximiser le caractère addictif des jeux, afin de garantir un public suffisant pour amortir les immenses coûts de développement. Devant l’explosion du phénomène, n’est-il pas temps de réfléchir sérieusement, avec nos élus, à la responsabilité sociale de l’industrie du jeu vidéo?

 

1. Les addictions sans substances

Christine Davidson, Psychiatre, MD Consultation, Genève

01.04.2006

2. Les enjeux d'une passion

Serge Tisseron, psychiatre et psychanaliste, directeur de recherches à l'Université Paris X

01.04.2006

3. Accro au jeu: témoignage

Interview d'Olivier

01.04.2006

4. La prévention de l'usage nocif des jeux vidéo

Yaël Liebkind, Coordinatrice de l'association Rien ne va plus, Genève

01.04.2006

5. Addiction aux jeux vidéo versus addiction aux jeux d'argent

Olivier Simon, médecin-psychiatre

Jean-Pierre Imhoff, psychologue, Centre du jeu excessif, Section d'addictologie, Service de psychiatrie communautaire, DP-CHUV, Lausanne

01.04.2006

6. Une approche anthropologique de l'addiction aux jeux vidéo

Thierry Wendling, ethnologue, université de Neuchâtel

01.04.2006