Votée par le peuple le 6 novembre, la loi a été promulguée le 10 décembre par le gouverneur de l’Etat du Colorado. Aux yeux de l’Etat, les plus de 21 ans ont depuis ce jour le droit de posséder jusqu’à une once de cannabis et de cultiver jusqu’à six plantes à domicile. La consommation est strictement réglementée : elle n’est autorisée que dans les espaces privés, et à condition d’avoir l’accord des propriétaires. Il a ainsi été formellement interdit aux étudiants (y compris les majeurs) et aux personnes travaillant dans les universités de consommer du cannabis sur le campus.
Par ailleurs, les patrons peuvent toujours licencier les employés contrôlés positifs au cannabis et les conducteurs ne doivent pas avoir un taux supérieur à 5 nanogrammes de THC par millilitre de sang (ce qui est comparable au 0.8‰ pour l’alcool).
Concernant la production et la vente, la loi ne décrit pas clairement les détails et aucun magasin vendant légalement du cannabis ne devrait voir le jour avant 2014. La réglementation prévue s’inspire des exigences déjà en vigueur pour le cannabis thérapeutique :
- Les magasins autorisés à vendre du cannabis ne pourront pas se trouver à proximité des écoles, des garderies, des parcs et des bibliothèques.
- Les plus de 21 ans pourront acheter jusqu’à une once dans des magasins spécialisés (la fréquence d’achat n’est pas encore définie).
- Dans l’Etat de Washington, près de 44 millions de taxes sur la vente devraient permettre de financer les programmes de prévention et de thérapie.
- La possession sera légale, mais pas la consommation sur la voie publique.
A l’heure actuelle, il est donc permis de posséder du cannabis, mais impossible d’en acheter. Il faut soit le produire soi-même, soit l’avoir reçu gratuitement de la part d’un tiers.
- Les adultes pourront faire pousser jusqu'à 6 plantes chez eux.
Toutefois, même si ces deux Etats ont légalisé le cannabis, ce dernier reste prohibé au niveau fédéral. Quelle sera la réaction du gouvernement fédéral ? Plusieurs réponses aux conséquences très diverses sont envisageables.
Il semble improbable que le gouvernement s’en prenne directement aux consommateurs ; il n’a pas assez de moyens pour le faire et le Président Obama a d’ailleurs affirmé début décembre que ce n’était pas une priorité. Néanmoins, les agents fédéraux pourraient anéantir la légalisation en s’en prenant aux vendeurs : vu les dispositions de la nouvelle loi, on estime que le marché est limité à quelques centaines de magasins dans tout l’Etat de Washington. Ainsi, il suffirait au gouvernement fédéral de mettre la pression sur les propriétaires pour rendre la légalisation caduque. Cela serait plus difficile dans l’Etat du Colorado, car la loi est plus floue quant aux exigences de production et de vente.
Du coup, le gouvernement fédéral pourrait être incapable d’empêcher la légalisation et l’effet principal d’une réponse agressive conduirait à un marché libéral et non-règlementé. A l’inverse, une stricte non-ingérence dans la politique des Etats serait également intenable car la légalisation risque de générer un flux important de « tourisme de la drogue ». Les dealers des autres Etats auront tout intérêt à venir acheter légalement du cannabis de très bonne qualité et peu cher pour le revendre illégalement au prix fort. Ainsi, si le gouvernement fédéral se montre passif, ce sont les Etats voisins qui exigeront son intervention.